Je réalise actuellement des travaux en tout genre (des cours informatiques, en passant par technicien internet, déménageur, à ouvrier en bâtiment) pour mon employeur, une institutrice retraitée ancienne maoïste lesbienne (et hop, une étiquette).
Je suis à la dernière étape qui est de poser de l’isolant dans une pièce. Un chantier qui n’avance pas vite, car il a fallu reboucher des trous et traiter des poutres. Et surtout, il faut respecter le rythme de mon maitre d’œuvre et faire des pauses-cafés régulières. Ainsi je deviens homme de compagnie (hop une nouvelle casquette), une geisha masculine en bleu de travail en sorte.
J’ai l’impression qu’avec son amie, elles vivent comme en colocation, et chacune à ses activités. Elle, semble plus sociable, a fait et fait toujours partie de nombreuses associations, alors que l’autre, qui travaille encore, n’a quasiment qu’une vie professionnelle et se laisse parfois emmener là ou là par son amie.
Retraitée de l’éducation nationale, elle me semble caractéristique philosophiquement et politiquement de ces personnes, partisanes de l’état-mama. Elle raille parfois la bureaucratie, ses anciens collègues pantouflards et leur conservatisme corporatiste, certainement pour paraître lucide face à quelqu’un qui est étranger à l’administration, mais chaque prof raconte ça à un non-fonctionnaire et lorsqu’il rencontrera un collègue, ça repartira sur le manque de moyens et d’effectif du mammouth…
Elle sait que je n’ai ni le dogmatisme, ni le romantisme utopiste de ces papy et mamy-boomers de gauche, élevée aux slogans des grandes luttes de mai 68 et du féminisme. Son affichette au portrait de Mao, égal d’Hitler parmi les criminels du siècle dernier, me glace en pensant de ce que les maoïstes khmers rouges ont fait de mon pays natal.
Nos conversations, à force de se retrouver autour du marc, deviennent plus personnelles. Elle me parle de ses centres d’intérêt, de sa famille, de sa jeunesse. Dernièrement, de ses soirées folles étant jeune lorsqu’elle allait draguer avec une copine –étant hétéro à l’époque- dans les boîtes, et puis récemment qu’elle avait été draguée sur internet en jouant au scrabble, par une autre femme (j’imagine le pseudo qu’elle avait du mettre). Nous avons parlé aussi des gigolos car sa sœur en avait un, et puis un de ses amis s’était entiché d’un cubain qu’il avait ramené par idéologie et par amour et qui l’avait mis sur la paille, comme une histoire parallèle de la salamandre de Ruffin ; cette idée humaniste de sortir quelqu’un de la misère, puis l’aveuglement jusqu’à la déchéance.
Le soir, ce n’est pas évident, il faut pouvoir dormir avec tous ces cafés ; les aléas du métier.